Du rêve au cauchemar

Colombe est née le 1er mars 2014.
Elle a amené avec elle le printemps dans nos vies et les semaine suivantes son arrivée ont été les plus belles de notre vie de couple, malgré la fatigue et les difficultés.
Pourtant, l’été suivant sa naissance les choses se sont déjà gâtées. Comme si tout ça avait été trop beau pour être vrai, un rêve éveillé qui devait se terminer…

Lors d’une visite de routine à sa gynécologue dans le cadre de son suivi post-accouchement, Laure, ma femme, a appris brutalement qu’elle avait une tumeur maligne dans le sein gauche.
Cette masse qui s’était formée “sur son coeur”, sans que nous nous en rendions compte, trop ivres de bonheur pour y faire attention, a anéanti en quelques jours à peine tous nos plans pour l’avenir.

Les examens se sont enchaînés très rapidement, trop même pour que nous puissions nous dire que cela n’était pas grave. Les docteurs semblaient pressés d’agir et nous avons vite compris que cela n’était pas bon signe.
A peine remise de son accouchement, Laure a donc dû subir en urgence une lourde opération du sein pour enlever la tumeur et évaluer l’étendue des dégâts que celle-ci avait pu commettre.
Malheureusement, le mal était déjà fait et le cancer avait pris possession du corps de ma femme et l’emmenait déjà loin de moi, loin de nous…

Colombe était évidemment trop petite pour que nous puissions lui expliquer ce qu’il se passait mais il est certain qu’elle avait ressenti le malaise qui nous habitait.
Elle si calme et rieuse habituellement était devenue beaucoup plus anxieuse et pleurait sans arrêt la nuit, comme si elle ne supportait pas la simple idée de ne plus avoir sa mère dans son champs de vision….Elle ressentait que celle-ci lui échappait et cherchait avec ses moyens à la retenir près d’elle.

Laure a subi une chimiothérapie agressive, sans succès, qui a eu pour seul effet de la diminuer encore davantage en tant que femme et mère puisque la fatigue était telle qu’elle n’arrivait plus à s’occuper de Colombe comme elle l’aurait souhaité.
A la fin de l’automne les docteurs nous ont annoncés qu’il ne lui restait plus que quelques mois à vivre…
Notre dernier souhait était qu’elle puisse être présente pour que nous fêtions ensemble tous les trois le premier anniversaire de notre fille.
Hélas, nous n’avons pas pu réaliser ce rêve, Laure nous a quitté subitement début février, affaiblie par une mauvaise grippe contre laquelle son organisme n’avait plus la force de lutter.

Si elle n’était pas vraiment consciente durant ses derniers jours près de nous, elle avait cependant, avec sa profonde délicatesse habituelle, déjà accepté son sort plusieurs mois auparavant et avait tenu à laisser plusieurs lettres ainsi que des vidéos qu’elle avait réalisé avec mon aide pour notre fille. Je serais chargé de les lui transmettre lorsqu’elle serait en âge de comprendre.

Une nouvelle vie à deux

Aujourd’hui Colombe a quatre ans.
C’est une petite-fille heureuse et en pleine santé qui pétille de joie de vivre, comme sa mère.
Elle n’a jamais manqué d’amour, je l’ai aimé au moins autant qu’un père puisse aimer sa fille si ce n’est plus car j’ai toujours eu l’impression que Laure continuait de l’aimer à travers moi également.
Mes parents m’ont beaucoup aidé dans cette épreuve, ainsi que la famille de Laure de qui je suis resté très proche, plus encore que je ne l’était du vivant de mon épouse.
La soeur cadette de Laure, Julia, la marraine de Colombe, est une vraie référence féminine dans la vie de ma fille.
J’ai eu la chance d’être entouré d’énormément d’affection, et ma fille et moi malgré le manque cruel de Laure ne nous sommes jamais sentis seuls.

Je parle presque tous les jours à Colombe de sa mère.
Nous vivons toujours tous les deux dans la petite maison que Laure et moi avions acheté durant sa grossesse.
Des photos de nous trois sont affichées un peu partout et Colombe a grandie avec le visage de sa mère et tous les souvenirs heureux que ceux qui l’aiment lui font sans cesse partager afin qu’elle se les approprie aussi.

Je n’ai pas refait ma vie pour l’instant. Je ne me l’interdis pas, simplement être papa solo c’est un job à temps plein en plus de mon travail d’ingénieur et si j’ai la moindre minute de libre je préfère la consacrer à ma fille plus qu’à tout autre chose.

Je n’ai pas encore donné les lettres de sa mère à Colombe. Je lui en ai lu quelques-unes à certaines occasions, comme pour son anniversaire, et nous regardons régulièrement ensemble les vidéos de sa mère.
Pour Colombe, ce n’est pas quelque chose de douloureux, même si évidemment sa mère lui manque elle a appris à grandir en sachant que bien que présente dans sa vie quotidienne, Laure ne serait plus jamais là physiquement.
Peut-être que ce manque se fera davantage ressentir plus tard, lors de son adolescence par exemple, et je ne la possibilité de proposer à ma fille de parler avec un psychologue si elle en ressent le besoin en grandissant.

Les prénoms de Laure et Colombe n’ont pas été changés mais l’auteur de ce billet ne souhaite pas communiquer son identité aux lecteurs qui ne l’auront pas reconnu.
Merci de respecter son souhait.

Propos recueillis et retranscrits par Tous parents