Un bébé désiré mais…
Chloé, notre fille, a bientôt deux ans. Je l’aime plus que tout et chaque jour qui passe je peine à réaliser la chance que j’ai d’avoir une petite fille aussi parfaite dans ma vie.
Elle est drôle, jolie, intelligente, affectueuse…Elle est l’enfant dont je n’aurais jamais osé rêver.
Et pourtant, tout n’a pas toujours été aussi simple. Il a fallu près de trois mois pour que je parvienne à créer un lien avec elle.
Trois mois pour que je l’accepte dans ma vie, et avec elle tous les changements que cela impliquait d’avoir un enfant, dans ma vie d’homme mais aussi dans mon couple.
Pourtant c’est une enfant désirée et loin d’être un bébé “surprise”.
Ma femme et moi avons attendu un peu plus d’un an jusqu’à qu’elle tombe enfin enceinte. Cette attente, trop longue pour les jeunes mariés impatients que nous étions, n’avait pas manqué de nous inquiéter et nous avions consulté des spécialistes qui nous avaient affirmé que ni Charlotte, ma femme, ni moi, n’avions de problème pour concevoir.
Quand Charlotte m’a appris qu’elle était enceinte, nous étions donc tous les deux fous de joie !
Sa grossesse est passée très vite, il faut dire que j’étais très occupé par un nouveau poste à responsabilités que je venais de prendre dans mon entreprise. Pour autant, j’ai été attentionné avec ma femme et j’ai participé autant que j’ai pu en étant présent aux échographies et aux cours de préparation à la naissance.
…une première rencontre difficile
L’accouchement nous a pris par surprise. Charlotte a perdu les eaux alors qu’elle était encore à 3 semaines du terme.
Mais les médecins nous ont rassuré sur l’état du bébé qui semblait en pleine forme.
Cependant, cela n’a pas été un accouchement facile…Ma femme a beaucoup souffert et ça a été très long.
J’ai trouvé très difficile de la voir ainsi, en situation de véritable détresse, les yeux remplis de douleur et pourtant si courageuse…je me sentais impuissant et j’ai trouvé insupportable de ne pas être en mesure de l’aider.
Quelques minutes à peine après la naissance de Chloé, elle a fait une hémoragie.
Notre fille et moi avons donc dû sortir de la salle d’accouchement, je me suis retrouvé seul, encore secoué par les événements et surtout très inquiet pour ma femme, avec dans les bras un petit être hurlant qui même s’il était à moi m’était surtout totalement inconnu pour l’instant !
J’ai paniqué…Je n’arrivais pas à la calmer, en plus de me sentir inutile je me suis senti incompétent… il était clair que je m’y prenais mal avec elle pour qu’elle pleure de la sorte !
J’ai donc demandé à une auxiliaire de puériculture de la prendre pour la calmer et je suis sorti dans le couloir…J’ai fait les cent pas jusqu’à qu’on vienne me prévenir que Charlotte allait bien et que je pouvais la rejoindre.
Ma femme m’en a voulu de ne pas avoir gardé notre fille dans mes bras pendant sa première heure de vie. J’ai eu beaucoup de mal à lui expliquer ce que j’avais ressenti à ce moment-là. Pour moi aussi c’était très trouble. Evidemment je n’allais pas non plus me plaindre puisque dans l’histoire, c’était elle qui avait le plus souffert. Elle qui avait tant rêvé de ces premiers moments de peau-à-peau avec son bébé et qui en avait été privée.
Une place à trouver
Les premiers jours de vie de notre fille, Charlotte s’est montré très possessive avec elle. Elle ne voulait presque pas la poser et me laissait très peu la prendre. Elle avait besoin de ce contact fusionnel après ce qu’elle avait vécu, mais je pense aussi qu’inconsciemment elle m’en voulait de ne pas avoir su gérer avec Chloé quand elle n’avait pas pu s’en occuper.
J’ai repris le travail très peu de temps après.
Le matin quand je partais, Chloé dormait encore. Le soir quand je rentrais, je passais un peu de temps avec elle mais souvent à cette heure là elle se mettait à pleurer et il n’y avait que les bras de sa mère pour la réconforter.
La nuit, c’est Charlotte qui se levait puisqu’elle avait décidé d’allaiter exclusivement notre fille.
Bref, j’avais du mal à trouver ma place, j’avais l’impression de ne pas avoir vraiment de rôle dans la vie de ma fille et surtout je me sentais très maladroit avec elle.
Les week-ends je pouvais évidement passer davantage de temps avec Chloé, mais je n’arrivais pas à établir de vrai contact avec elle.
Elle était encore si petite, si fragile, souvent endormie quand elle ne tétait pas le sein de sa mère et je ne voyais pas trop ce que je pouvais lui apporter.
Cette période a été très dure à vivre, je culpabilisais beaucoup de ne rien ressentir de spécial pour ma fille et je n’osais en parler à personne, surtout pas à ma femme qui elle était vraiment épanouie dans son rôle de maman.
Quand les choses rentrent dans l’ordre naturellement
Les choses ont changé au troisième mois de Chloé. Nous sommes partis en Alsace chez mes parents durant deux semaines pour leur présenter enfin notre fille (nous vivons dans le sud de la France).
J’avais donc posé des vacances et je me sentais détendu et heureux de ces moments en famille qui nous attendaient.
Tout naturellement, Chloé et moi avons tissé un lien durant ce séjour.
Charlotte avait attrapé un rhume qui la fatiguait beaucoup, j’ai donc pris le relais pour donner quelques biberons de lait qu’elle avait tiré à notre fille la nuit.
La journée, ma femme passait beaucoup de temps avec ma soeur avec qui elle s’entend très bien et que nous ne voyons pas souvent. De mon côté, j’en profitais pour jouer avec Chloé qui était de plus en plus réceptive.
Elle tenait à présent sa tête, ce qui me rassurait énormément, je n’avais plus peur de lui faire mal lorsque je la portais. Elle me regardait avec des yeux pétillants lorsque je m’allongeais à ses côtés sur le tapis pour m’amuser avec elle et riait de mes spectacles de marionnettes improvisés avec des chaussettes !
Cette période a été une vraie révélation. Je me suis enfin senti père, j’avais finalement trouvé ma place !
Et les nombreuses marques d’affection de ma fille m’ont fait comprendre qu’elle aussi m’avait enfin accepté dans sa vie.
Je pense que je ne suis pas le seul père à avoir ressenti cela.
C’est important pour moi d’en parler aujourd’hui car je sais que l’on peut avoir honte de ce sentiment et c’est un fardeau très dur à porter seul.
Les choses peuvent parfois prendre plus de temps que l’on pense à se mettre en place, ce qui est sûr c’est que si votre enfant a été désiré des deux côtés, le déclic se fera un jour ou l’autre.
Alexis. G
Propos recueillis et retranscris par Tous parents