Un choix qui surprend

Si les hommes qui travaillent dans le secteur de la petite enfance constituent une minorité à peine visible, on s’aperçoit paradoxalement que pourtant, dans une crèche par exemple, leur présence nous saute immédiatement aux yeux.

Pourquoi cela étonne t-il encore qu’un homme, au même titre qu’une femme, puisse être attiré par la perspective de travailler avec des enfants en bas-âge et qu’il soit, à tâche égale, tout aussi compétent ?
A l’heure de l’égalité des sexes, reconnue et revendiquée, n’avons nous pas encore tendance à enfermer dans des clichés de genre certaines professions ?

Ma nounou est un homme. Ou plutôt celle de mes deux filles. Et cela suscite toujours beaucoup de réactions de la part de mon entourage, et, vous l’aurez deviné, souvent plus négatives que enthousiastes.

Sur un malentendu…

Camille a commencé à garder mes filles, Ada et Isabelle, il y a bientôt deux ans.
Ada, l’ainée, avait alors vingt mois, quant à sa petite soeur elle en avait à peine trois.

Pressée par mon patron de reprendre le travail suite à ma seconde grossesse, j’avais décidé que je recommencerai à travailler à temps partiel dès la fin de la durée légale de mon congé maternité. Ada était jusqu’alors en micro-crèche, puisqu’avec son caractère introvertie elle n’était pas à l’aise en grande collectivité.

Dès que j’ai su que j’étais enceinte, j’ai demandé à cette structure s’ils auraient une place disponible pour le mois de mai, date à laquelle je prévoyais de réintégrer mon poste.
A ma grande déception, leur réponse a été négative, le nombre de places en micro-crèche étant très restreint, ils ne pouvaient pas m’en dégager une avant la rentrée de septembre, plus de quatre mois après.

Restant sur ma décision, je suis donc partie en quête d’une “nounou”, comprenez une assistante maternelle qui accueillerait mes deux enfants à domicile.
Pour cela rien de plus simple, je me rendis sur la liste mise à disposition sur le site internet de la mairie de ma commune et pris le contact des trois étant le plus proche géographiquement de mon travail afin de me faciliter les trajets.
Je précise que mon mari étant officier dans l’armée, il est absent parfois plusieurs mois par an et je savais donc que par la force des choses je serai celle de nous deux qui devrais m’occuper de déposer et récupérer nos filles chez la nounou.

La première que j’ai rencontré ne m’a pas fait bonne impression.
La seconde, qui elle me plaisait, n’avait malheureusement pas de place disponible avant le mois de juillet. Je gardais donc son contact au cas où et continuais ma quête. Je contactais donc la troisième, une certaine Camille.

Qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque ce fut un homme qui répondit au téléphone. Je mis quelques temps à réaliser qu’il ne s’agissait pas du compagnon de la nounou, mais que Camille, que j’avais supposé être une femme tant cela me semblait évident était bel et bien UN assistant maternel. Décontenancée, je lui exposais malgré tout ma demande et nous convînmes d’un rendez-vous pour nous rencontrer le lendemain, avec ma fille Ada.

C’est un peu sceptique je me m’y rendis. Pourtant, tout se passa bien et même très bien.
Camille était très agréable, il m’a tout de suite inspiré beaucoup de sympathie et surtout une grande confiance.
Durant cet entretien, j’ai pu le voir à l’oeuvre, chez lui, avec sa fille Lisa et un petit garçon du nom de Pierrick qu’il gardait depuis un an.
Très calme, il n’élevait jamais la voix et semblait prendre un réel plaisir à jouer et s’occuper d’eux.

Il eut immédiatement un excellent contact avec ma fille, ce qui m’étonna un peu puisque sa grande timidité l’empêchait habituellement de se sentir à l’aise en présence d’adultes inconnus. Autre point positif en sa faveur, Camille vivait dans un joli pavillon, propre et lumineux, doté d’un jardin clôturé.

Une heureuse décision

Nous nous sommes rencontrés deux autres fois jusqu’à que je me décide de l’engager.
Chaque rendez-vous n’avait fait que conforter ma première impression et j’en informais donc mon mari, qui revenait juste d’une mission tout en se préparant à repartir pour une autre peu après la naissance du bébé.

Je dois avouer que sa réaction me décue. Il réagit plutôt mal en apprenant que j’avais engagé un homme pour garder nos filles.
Il me fit notamment part de ses peurs concernant les abus sexuels qui pour lui étaient associés à des hommes.
Il appréhendait fortement l’idée de laisser nos filles plusieurs heures par jour au domicile de Camille, sans aucune autre présence adulte.
A force d’arguments, je parvins à le convaincre, lui mettant aussi sous le nez qu’à quelques semaines du terme nous n’avions plus vraiment le choix de toutes façons.

Mais mon mari ne fut pas le seul à émettre des doutes sur mon choix. Ma mère me le reprochais à chaque fois qu’elle me voyait, me mettant en garde sur les problèmes que j’allais selon elle rencontrer. Si elle convenait comme moi que tous les hommes n’étaient pas des prédateurs sexuels, elles émettait quant à elle des doutes concernant la capacité du sexe masculin à s’occuper correctement des enfants et à gérer les différentes tâches du quotidien, repas, change, etc…
Plusieurs de mes amies furent surprises également. Lorsque j’évoquais Camille, même après qu’il ait commencé à garder les filles, je savais qu’il y aurait toujours une réaction. 

Finalement, les mois passèrent et je vis mes filles s’épanouir et grandir avec bonheur sous la garde de Camille.
Particulièrement arrangeant, il continua à garder à temps partiel Ada lorsqu’elle commença l’école à mi-temps et que je repris le travail à temps plein.
Si j’ai toujours souhaité garder quelques distances pour établir volontairement un lien professionnel entre nous, Camille est devenu avec le temps non pas un ami mais une personne indispensable de mon entourage et un véritable référent dans la vie de mes filles. Nous sommes tous les deux sur la même longueur d’ondes concernant l’éducation et je n’ai jamais eu à me plaindre du moindre incident en deux années de garde.

Rester vigilant

Évidemment, une part de moi ne peut s’empêcher de rester vigilante, mais de la même manière je pense que je l’aurai été avec toute autre nounou.

Pour prévenir les risques, j’ai parlé à mes filles. Je leur ai bien expliqué que personne n’avait le droit de leur faire du mal ou de les forcer à faire quoi que ce soit, et que si c’était le cas il fallait qu’elles m’en parlent immédiatement pour que nous puissions trouver une solution ensemble. J’ai la chance que mes filles soient des grandes bavardes, ainsi chaque fois que je les retrouve j’ai droit à un compte-rendu détaillé de leur journée, ce qui permet également de me rassurer un peu.

Je ris aujourd’hui, avec le recul de ces deux années de collaboration avec Camille, de mon étonnement lorsque j’avais découvert qu’il s’agissait d’un homme.
Ma réaction me fait presque honte. J’ai la chance d’avoir trouvé un professionnel formé, qualifié et surtout attentif et prévenant qui s’est parfaitement occupé des mes filles durant ces dernières années et qu’il soit un homme n’a absolument rien changé à cela !

Vanessa. C

Propos recueillis et retranscris par Tous parents